jeudi 10 novembre 2011

1965 - L'Ile Noire

L'ile Noire est le seul album de l'histoire de la bande dessinée a avoir connu 3 versions différentes.
La première fut éditée en 1938, lorsque les aventures d'Hergé paraissaient encore en noir et blanc. 
Durant la guerre, après la sortie de l'Etoile Mystérieuse en 1942, Hergé refondit ses huit premiers albums afin de les passer en couleur. Les histoires furent redécoupées afin de permettre le passage d'un format de 128 à 62 pages. L'Ile Noire fit parti du lot et connu donc en 1943 sa première sortie en couleur, assez proche de l'original.
Toutefois, lorsqu'il fut question dans les années 60, de publier l'album en Angleterre, l'éditeur remarqua que de nombreux détails concernant la retranscription du pays, manquaient de crédibilité. L'ile Noire avait été réalisé à une période ou Hergé était moins soucieux de l'exactitude de sa documentation qu'à partir des années 50. Celui ci envoya donc son fidèle décoriste Bob de Moor en Angleterre prendre des photos et croquis.
L'album fut entièrement redessiné en 1965 sur cette nouvelle base.
Ceci explique la modernité inattendue du dessin de l'Ile Noire par rapport aux autres albums de cette période. 

Sinon quoi penser du livre ?
L'ile Noire, c'est l'histoire d'une course poursuite haletante ou les avions se crashent beaucoup.
Fidèle à ses habitudes, Hergé s'est inspiré de faits d'actualité afin de créer cette histoire de fausse monnaie destinée à déstabiliser les démocraties d'Europe d'avant guerre.
Le château de L'Ile Noire lui a probablement été inspiré par le vieux château de l'île d'Yeux.

Les personnages semblent en perpétuelle action. Tintin se retrouvera même deux fois d'affilée à l'hôpital. Fidèle à lui même, il s'échappera à peine entré pour recommencer à courir.
Sur un plan visuel, la précision épurée des décors associée à une mise en couleur judicieuse affirme une fois de plus le sens aigu des ambiances qu'Hergé et ses collaborateurs savaient distiller. La scène des avions dans le brouillard, minimaliste à souhait, est d'une prodigieuse efficacité visuelle. Ces décors revisités ne manquèrent pas de déplaire à quelques grincheux nostalgique du Tintin des années 30.
Album du mouvement, celui ci est rendu de façon magistrale. On remarquera a quel point, chaque trait, bien à sa place contribue à cet équilibre précis et délicat au service de la lisibilité reine. 
Enfin, j'ai été frappé par le temps ou le format de 62 planches conçu sans construction préalable trop précise, permettait d'étendre la mise en place des gags. 
Le gag des pompiers qui cherchent la clé du local dure quasiment deux planches.

Pour conclure, cette version actualisée de l'Ile Noire crée une curieuse association entre le dessin plus abouti des derniers albums au service d'une intrigue dont certains raccourcis rappellent les oeuvres plus anciennes.
Pour l'anecdote, page 55, Tintin se retrouve devant un poste de télévision. Lors de la conception de l'album en 1937, le procédé n'en était qu'à ses balbutiements. Beaucoup de lecteurs imaginèrent ce procédé issu de l'imagination d'Hergé. Curieusement, l'édition de 1943 montrait une image couleur (qui n'existait pas encore), tandis que celle de 1965 mettait en scène un poste en noir et blanc.


Pour les amateurs, Casterman a publié en 2005 un "DOSSIER TINTIN" de grand format rassemblant côte à côte les trois versions de l'album.

Un strip de la version 1943


Même strip en 1965

Annonce de la nouvelle sortie en 1965

Couverture de l'édition 1943
Comparatif version 1938 /1965



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