vendredi 14 septembre 2012

1961 - Johan et Pirlouit - L'Anneau des Castellac


Ce 60e anniversaire de Johan et Pirlouit célèbré cette semaine dans les pages du journal de Spirou, nous donne l'occasion de revenir sur "L'Anneau des Castellac", 11e album de la série.
Comme le précise Hugues Dayez dans son excellente biographie de Peyo (Editions Niffle), le contexte de la création de cette histoire est interessant à plus d'un titre. La prépublication dans Spirou commence le 25 août 1960, soit six mois après la fin de "La Guerre des Sept Fontaines". Le public était alors peu habitué à un tel délai entre deux histoires. Peyo faisait alors face à un surcroît de travail du aux scénarios de Jacky et Célestin pour "Le Soir" ainsi que la préparation de Benoit Brisefer, personnage sur lequel nous aurons l'occasion de revenir.
A l'inverse des Schtroumpfs pour le dessin desquels Peyo a pris l'habitude de s'entourer, l'auteur continue d'assumer seul Johan et Pirlouit. En rupture avec les deux précédentes histoires, cet album ne comportera aucune dimension "fantastique". Les héros doivent ici remettre sur son trône un Duc déchu manipulé par son entourage. Les schtroumpfs vivant leur existence propre, Peyo ne jugera pas utile de les intégrer à cette histoire. Peut être pouvons nous interpréter cela comme une forme de réaction face aux nombreuses critiques que suscite de la part de parents et professeurs, le language farfelu de ces petits lutins bleus que le grand public ne cesse de plébisciter. En effet, les ventes de "La Flûte à Six Schtroumpfs" restent les meilleures de la série. Enfin, soucieux de casser les stéréotypes, "L'Anneau des Castellac" nous offre une formidable caricature de méchant en la personne d'Hercule de Basse Fosse, seigneur colérique grand amateur de la musique de Pirlouit. En redécouvrant le personnage, on ne peut s'empêcher de penser que Jean Yanne, aurait pu de son vivant interpréter ce personnage à merveille.
Pour conclure, il ne faut pas oublier que cet album est né dans un contexte professionnel un peu particulier. La création de Pilote par Goscinny deux ans auparavant, avait attiré beaucoup de dessinateurs. Malgré des résultats financiers catastrophiques, le journal, repris par Dargaud constituait un danger notable pour la maison Dupuis, condamnée désormais à faire très attention à ses auteurs. Attaché à la bonne ambiance de la maison, Franquin et Peyo resteront fidèles au poste.

L'Anneau des Castellac - Peyo - Editions Dupuis (www.dupuis.com)

samedi 8 septembre 2012

Ombre Morte - Motion Comics


Par une soirée d’orage, Cécile et son mari, se cachent au cœur d’un immeuble abandonné. Abattus, terrifiés, ils sont traqués par l’un de leurs anciens employés nourrissant une passion destructrice pour cette dernière. A mesure que leur mystérieux poursuivant se rapproche, les pièces du puzzle se rassemblent, dévoilant peu à peu une vérité aussi machiavélique qu’inattendue.

Avec :
Caroline Le Moing - Thierry Baumann - Philippe Spiteri

dimanche 13 mai 2012

1943 - Tintin - Les Sept Boules de Cristal


Les Sept Boules de Cristal, 13e aventure de Tintin,vit le jour au coeur d'un contexte historique quelque peu mouvementé.
L'histoire paru sous forme de 152 strips quotidiens entre 1943 et 1944 dans le journal "Le Soir", volé par l'occupant allemand. Pour sa défense, Hergé prétendait vouloir poursuivre son travail suite à un appel national du Roi qui incitait à cette reprise, indépendamment des sombres événements qui secouaient le pays.
Le récit original fut donc interrompu au moment où l'armée alliée rentrait dans Bruxelles, entraînant du même coup la suspension de parution du journal. L'histoire s'arrêtera donc vers la page 50 de l'album, peu après la séquence ou Tintin visite l'hôpital, au lendemain de la disparition du Professeur Tournesol. Quelques strips (restés inédits en album) interviendront juste après, avant l'interruption totale.
A la Libération, Hergé, frappé d'interdiction de travail, ne pouvait plus publier dans les journaux. Il fallut attendre 1946 pour que Raymond Leblanc, grand résistant, ne vienne le chercher pour créer le journal Tintin.
Cette occasion permit à l'auteur de reprendre son histoire dans un nouveau format "à l'italienne" sous le titre "Le Temple du Soleil". Les deux histoires furent refondues lors de la parution en album quelques années plus tard.
Le thème des Sept Boules a été inspiré à Hergé par l'aventure de la découverte du tombeau de Toutankhamon en 1922. Une étrange malédiction aurait alors décimé au cours des dix ans qui suivirent tous ceux qui, de près ou de loin, avaient participé à cette profanation.
L'album marque aussi l'apogée de la collaboration entre Hergé et Edgar Pierre Jacobs. Le second apportera au premier son sens inégalé des atmosphères grâce à son travail minutieux sur la couleur et les décors. Toute la séquence se déroulant autour de la maison du Professeur Bergamote en est un exemple parfait. On retrouvera cette exceptionnelle maîtrise des atmosphères dans un album comme SOS Météores (Blake et Mortimer). Cette fameuse maison est aussi la source d'une anecdote qui aurait pu très mal se terminer. Après avoir repéré un endroit convenant au scénario, les deux compères se déplacèrent pour prendre photos et croquis du bâtiment, quand il eurent une surprise fort désagréable. Jacobs raconte l'histoire au cours d'une interview en 1975. 
"Nous n'avions rien trouvé de mieux qu'une villa 1900 avec des colombages, des agencements de ce genre, mais elle était occupée par des allemands; nous allions prendre des croquis au moment où les Allemands commençaient d'ailleurs à déménager en douce - l'offensive avait déjà été déclenchée - et, sous leur nez, nous étions en train de faire des croquis alors qu'ils pouvaient bien nous prendre pour des espions!"

On notera aussi qu'à cette période, Hergé et Jacobs poursuivaient en parallèle la refonte et la mise en couleur progressive des huit premiers albums de la série.

Les amateurs pourront découvrir la version originale et l'intégrale des strips du "Soir" ici: http://www.bellier.org/7%20boules%20de%20cristal/vue1.htm

Ci dessous 3 strips de la première version inédits en album:




lundi 30 avril 2012

Ombre Morte - Trailer

Ce trailer présente "Ombre Morte", un court métrage expérimental réalisé par Nicolas Bonnell, grâce à la technique du Motion Comics.  
Produit par PLUG EFFECTS et Magnificat Films - Sortie du film Mai 2012


"Par une soirée d’orage, Cécile et son mari, se cachent au cœur d’un immeuble abandonné. Abattus, terrifiés, ils sont traqués par l’un de leurs anciens employés nourrissant une passion destructrice pour cette dernière.
A mesure que leur mystérieux poursuivant se rapproche, les pièces du puzzle se rassemblent, dévoilant peu à peu une vérité aussi machiavélique qu’inattendue."


Schlafi! - Semaine #1



vendredi 6 avril 2012

1959 - Blake et Mortimer - SOS Météores


C'est au cours du rude hiver 1954 que naquit l'idée d'SOS Météores
Les températures avaient atteint de telles extrémités qu'une bonne partie de la population était condamnée à rester cloitrée chez elle. Prisonnier de sa nouvelle maison de campagne, Jacobs n'échappait pas à la règle. Ajoutez à cela des rumeurs de rivalités partisanes autour de manipulations climatiques pour fournir à l'auteur la matière à un nouveau récit d'anticipation.


Dès les premières bases jetées, Jacobs partit repérer l'endroit le plus adapté aux expériences du Professeur Miloch. En étudiant un certain nombre de cartes d'Etat major, il choisit une zone proche de la vallée de la Bièvre, non loin de la ville de Jouy en Jossas. Un parcours photographique lui permit de retranscrire la région avec la rigueur quasi maladive qui faisait sa marque. Quant au Château de Troussalet, dans le parc duquel se perd le taxi de Mortimer, un hasard extraordinaire lui permit de découvrir un endroit similaire proche d'une départementale dans le même secteur.
Dans un second temps, afin de comprendre l'organisation des interventions de police en cas d'incident majeur, il se tourna vers l'un de ses camarades qui possédait des connections au Ministère de l'Intérieur, rue des Saussaies. Dans ses mémoires, Jacobs raconte l'anecdote suivante: tandis qu'il exposait son scénario au ministère, son interlocuteur écarquilla les yeux puis adopta un air mystérieux avant de le conduire à son chef. Jacobs recommença une seconde fois l'exercice devant le patron de la DST. Après avoir conclu sa présentation, ce dernier demanda, un peu décontenancé, l'avis du fonctionnaire qui lui répondit: "Non seulement ce n'est pas absurde... mais figurez vous que j'ai dans mon tiroir tout un dossier sur la question".
Au delà de sa brûlante actualité, SOS Météores est un album notable à plus d'un titre. En premier lieu, les couleurs utilisées pour représenter les intempéries sont d'une rare efficacité. La première partie de cet album devrait être considérée comme un manuel du parfait petit coloriste. Autre détail amusant, la séquence de la poursuite avec Blake nous conduit le long de l'ancienne ligne de Sceaux, avant la reprise de son tracé par le RER B. On pourra sans doute déplorer que Jacobs n'ait pas accordé de plus grandes cases aux décors des stations de la ligne, et en particulier celle de Port Royal.
Enfin, l'album fleure bon ce climat de guerre froide, qui n'a jamais aussi bien porté son nom. Le professeur Miloch, au cours de son explication, fait allusion à "notre" et "votre" technologie facon indirect d'appuyer le clivage Est/Ouest omniprésent à l'époque.
Pour conclure, je dirai que si SOS Météores reste l'un de mes Blake et Mortimer préféré, c'est en grande partie pour l'ambiance qui s'en dégage dès les premiers instants.
Cela nous rappelle qu'avant cette série, nous devons aussi à Jacobs la mise en couleur des premiers Tintin et en particulier les incroyables scènes d'orage des Sept Boules de Cristal qui trouvent ici leur réponse.

jeudi 5 avril 2012

SCHLAFI CHIMIE

Démo publicitaire de 20 secondes utilisant le personnage de SCHLAFI pour une compagnie d'assurance fictive.
Ecrit et dessiné par Nicolas Bonnell.


Schlafi - Tous droits réservés Nicolas Bonnell 2012

jeudi 2 février 2012

1994 - Le Prince de la Nuit




Cette excellente série, écrite et scénarisée par Yves Swolfs, revisite le mythe du vampire sous un jour nouveau.  Au bout de 12 albums Durango, l'auteur éprouvait l'envie de raconter quelque chose plus en harmonie avec son évolution personnelle, marquée par une expérience de la psychanalyse. Si le vengeur solitaire était le produit de son enfance et de son adolescence, "Le Prince de La Nuit" s'inscrit dans une dynamique du passage à l'âge adulte. 
Au delà d'être une formidable aventure, la série réalise le tour de force de respecter les codes du genre tout en rénovant complètement les bases du concept. L'introspection et l'étude des dualités individuelles l'emportent sur l'approche religieuse traditionnelle. Le graphisme atteint une maîtrise étonnante, proche de la gravure.

Kergan et ses adversaires sont les deux faces d'une seule et même médaille. Une seule âme exprime toutes ses contradictions à travers plusieurs personnages. Kergan est le reflet de ce que les "Chasseurs" enfouissent au plus profond d'eux même. Il cristallise cette face sombre, ces désirs de pouvoir refoulés contre laquelle ils doivent lutter. 
Dans ses entretiens à Henri Philipini, Swolfs avoue volontiers que chaque chasseur est choisi malgré lui. Il est sacrifié par sa famille sur l'autel d'un devoir absurde. Ce rôle incombe bien souvent à l'aîné, en première ligne du transfert des espoirs et des angoisses de ses parents. 
Afin de permettre à l'esprit de Jehan, première victime du vampire, de se réincarner à travers les siècles, les Rougemont doivent continuer la lutte. Ils se transmettent pour cela un coffret rempli d'information. Ce fardeau héréditaire possède une haute valeur symbolique. Il contient les atavismes inconscient de culpabilité subies générations après générations. 
Au fil des années le coffret s'alourdi à mesure que la face sombre, l'adversaire se renforce. Il est très difficile d'échapper à soi même. La seule issue consiste en l'acceptation de cette part d'ombre qui permettra à l'individu de renaitre autrement. A ce propos, les chasseurs sont souvent des êtres bien peu recommandables, à l'image d'Armand ou d'Aymar qui ont plus de sang sur les mains que Kergan ne pourrait en avaler en un siècle. Ceci complique considérablement leur tache et la mécanique de lutte contre le mal frise le cercle vicieux. Quant à Jehan, seigneur arrogant et premier chasseur, sa lutte possède une corrélation directe avec la culpabilité d'avoir laissé mourir une femme qui lui refusait son amour.  
Le choix des années 30 comme période de l'affrontement final entre Vincent et Kergan n'est pas anodin. L'Allemagne se trouve alors confrontée à la montée du mal ultime au coeur duquel le personnage du Vampire trouve toute sa place. Soumis à des choix lourds les individus se révèlent et ne peuvent plus fuir. 
Jusqu'au dernier moment, Swolf ne savait pas comment s'achèverai sa série. Il se laisserait guider par son état d'esprit du moment.
A cet égard nous pouvons souhaiter qu'Yves Swolf reprenne un jour cette série dont le dénouement laisse présager le plus passionnant pour la suite.

Le Prince de la Nuit - Yves Swolfs - Editions Glénat 

lundi 30 janvier 2012

1984 - SOS Bonheur



SOS Bonheur fut écrit en 1980. 
Prévu au départ pour une série d'épisodes de 50 mn, le projet tourna court en 1982 car considéré comme trop dur par les patrons de chaîne. Sous l'impulsion de Philippe Vandooren, rédacteur en chef de Spirou, Van Hamme décida de l'adapter à la bande dessinée . Les six premiers scénarios furent remaniés pour devenir les deux premiers tome. Un troisième album fut mis en chantier dans la foulée afin de donner la clé de l'histoire.

Dans la préface de l'édition intégrale, Van Hamme nous révèle l'origine de la série. L'idée lui serait venu alors qu'il travaillait comme chef de département dans une multinationale. Il recevait alors tous les mois un épais listing de chiffre dont il ne comprenait ni l'origine, ni la finalité. Intrigué, une enquête parmi ses collègues révéla qu'aucun d'entre eux ne savait de quoi il retournait, tant et si bien que l'ouvrage finissait le plus souvent à la poubelle. En remontant cette mystérieuse filière, Van Hamme découvrit l'existence d'un employé modèle en charge de la création de ce document. Ce dernier remplissait sa mission avec zèle, sans se poser une seconde la question de l'objectif de sa tâche.

L'absurdité de cette situation constitua la matière première d'SOS Bonheur, dont le premier récit fut directement inspiré par cette histoire. Le thème principal de cette fable ubuesque et terrifiante laisse songeur. A quelle extrémités nous conduirait une société qui, au nom du progrès de l'humanité, transformerait les notions de bonheur et de sécurité en règles totalitaires. Qu'arriverait il à ceux qui refuseraient ce bonheur en conserve défini par un système pensé pour l'épanouissement de chacun. Orwell n'est pas très loin... Van Hamme souhaitait s'interroger sur les conséquences possible des dérives d'un état providence sur les liberté individuelles. 
Sans dévoiler l'issue d'une l'intrigue où rien n'est laissé au hasard, la seconde question, et non des moindres s'articule autour des notions de la manipulation des masses poussée à l'extrême. Jusqu'où les tireurs de ficelles peuvent ils pousser le cynisme ? Un dénouement fort innatendu ne laisse que peu d'espoir à cet égard.
Certes l'histoire fleure bon une époque moins riche que la notre sur le plan technologique. Si l'approche semble un peu datée, les questions de fond restent d'une dérangeante actualité. On sera amusé de constater que le livre évoque la possibilité de la carte bleue ainsi que du fichage individuel via un numero sans lequel aucun d'entre nous ne possède d'existence légale.
Le dessin du brillant et prolifique Griffo qui s'essayait pour la première fois au réalisme n'a pas encore trouvé la maestria dont il fait preuve aujourd'hui mais les bases sont déjà là. Le troisième Tome réalisé un peu plus tard, témoigne de cette évolution.
L'époque a changé, mais SOS Bonheur continue, 30 ans après sa conception, à faire une quasi unanimité parmi ses lecteurs.

SOS Bonheur - Griffo - Van Hamme - Aire Libre Dupuis

jeudi 19 janvier 2012

1958 - Johan et Pirlouit - La Flûte à Six Schtroumpfs


A l'occasion d'un séjour au château, un marchand ambulant perd une flûte magique à six trous. Celui qui entend sa musique se met à danser de façon irrépressible jusqu'à l'épuisement. Après avoir été récupérée par Pirlouit, le brigand Matthieu Torchesac la lui dérobera dans le but de s'en servir comme une arme. Johan et Pirlouit partiront à sa poursuite. Pour le contrer, ils devront se procurer une autre flûte enchantée et rejoindre pour cela le Pays Maudit, habité par "Les Schtroumpfs"

On peut considérer cette trop courte série comme l'une des meilleures jamais concue.
Paru dans le journal de Spirou en 1958 sous le titre provisoire "La Flute à Six Trous", ce 9e album des aventures de Johan et Pirlouit reste notable à plus d'un titre.
L'intrigue générale se base sur la passion qu'éprouve Pirlouit pour une musique bien à lui. L'album inaugure un nouveau format en 60 pages au lieu des 44, qui offre l'espace nécessaire au développement de gags plus aboutis. Par exemple, la scène ou Pirlouit court à travers le château, surprenant les gens après avoir découvert les pouvoirs de sa flûte est d'une diabolique efficacité. La rumeur prétend que le personnage de Torchesac, méchant de l'histoire, bonhomme et hypocrite, aurait été inspiré à Peyo par les pères Jésuites chez lesquels il séjourna enfant.

Mais la "Flûte à Six Schtroumpfs" marque un tournant majeur pour une autre raison. Il s'agit de la première fois que les petits lutins bleus font leur apparition. Après avoir distillé le suspens nécessaire à la prépublication, Peyo ne dévoilera le nom ses créatures qu'à la planche 34. Le public devra attendre encore quelques semaines avant de les découvrir pour la première fois dans les pages de Spirou en octobre 1958. Les Schtroumpfs vivent alors au pays Maudit, paysage rocailleux et austère, bien loin de la forêt touffue que nous connaissons. Leur apparence n'est pas encore définitive. Leurs bonnets sont plus longs et leurs visages plus minces. Néanmoins, la barrière de la langue schtroumpf, déjà bien présente, vaudra à Pirlouit quelques dialogues de sourds qui resteront dans les annales. Malgré son effroyable complexité, celle ci doit obéir à des règles très strictes afin d'être compréhensible.

Pour l'anecdote les schtroumpfs sont nés à l'occasion d'un déjeuner entre Franquin, Peyo et leurs épouses à l'été 1957. En désignant la salière, le premier, cherchant ses mots demande au second de lui passer le "schtroumpf". L'expression les amusa tant, qu'il passèrent le reste du repas à converser en "schtroumpf"
A la parution, Dupuis était inquiet de la réaction des autorités francaises toujours très pointilleuses sur les questions de langage dans les bandes dessinées. Pour le rassurer Peyo lui assura de bonne fois que ces personnages, n'apparaissant que dans une dizaine de pages, seraient largement oubliés d'ici deux ans. Nous connaissons la suite...

La Flûte a Six Schtroumpfs - Peyo - Editions Dupuis 1960

mercredi 18 janvier 2012

1973 - Pauvre Lampil (série)


Paru entre 1977 et 1995, "Pauvre Lampil" compte 7 albums parus entre 1977 et 1995. La série décrit avec humour les rapports houleux entre un dessinateur râleur et un scénariste suffisant. Les deux personnages sont représentés sous les traits de Lambil et Cauvin, le duo star des Tuniques Bleues.

En 1973, le rédacteur en chef de Spirou et spécialiste de la bande dessinée Thierry Martens propose à Dupuis d'organiser une rubrique "Carte Blanche" dans les pages du journal. Le principe consistait à offrir une plage de liberté aux auteurs chevronnés, ainsi qu'à de nouveaux venus libres d'y exprimer leur talent. Malgré la réticence de l'éditeur, l'opération fut un succès.
De nombreux auteurs se prêtèrent à l'exercice avec malice. En proposant "Pauvre Lampil", Lambil et Cauvin se hissèrent en tête du célèbre référendum des lecteurs qui faisait autorité à l'époque. La série sortit ainsi de son cadre exceptionnel pour commencer une publication régulière dès 1974.
Dupuis restait frileux, redoutant que le temps consacré à cette "pochade" n'empiètent sur les Tuniques Bleues dont les ventes commençaient à s'envoler.
Un premier recueil paru en 1977, suivi par un second l'année suivante. Toutefois, le succès croissant de leur série vedette raréfièrent progressivement la présence de Pauvre Lampil jusqu'en 1995 année de la parution du septième et dernier album.

Cauvin se positionnait comme le clown blanc du duo, manipulant un Lambil caractériel et hypocondriaque. Si le scénariste affirme avoir puisé son inspiration dans leur quotidien professionnel, Lambil prendra plus de distance avec son personnage qu'il qualifie lui même "d'artiste raté".
Reflet d'un malaise selon Lambil, la série fut source d'une brouille entre les deux hommes qui durera de nombreuses années. L'un reprochant à l'autre d'y régler ses comptes. Le dessinateur se débarrassera par la suite de tout ce qui pourrait lui rappeler ce qu'il considère comme un échec professionnel pour lequel "il ne fait aucun effort".
Quant au nom de Lampil, il vient d'une faute commise par Cauvin à l'occasion de sa première rencontre avec son acolyte.

Quoiqu'il en soit, une intégrale parue en 2011 nous rappelle que, malgré son échec commercial et les affres de sa création, "Pauvre Lampil" reste un petit bijou d'humour et d'efficacité.



Pauvre Lampil - Editions Dupuis

dimanche 15 janvier 2012

2010 - Interview Lambil

Voici une interview de Willy Lambil prise pour PlanèteBD, à l'occasion de la sortie de l'album "Sang Bleu pour les Bleus" (voir article)

1986 - Interview Malet Tardi


Interview réalisée en 1986 à propos de la collaboration entre Léo Malet et Tardi sur les albums de Nestor Burma. Tardi travaille sur l'adaptation du second Tome "120 rue de la Gare", paru en 1988.

Ce document vient en complément de l'article sur l'album "Brouillard au Pont de Tolbiac"

1982 - Nestor Burma - Brouillard au Pont de Tolbiac


A l'occasion d'une lettre reçue de la part d'une très ancienne relation, Nestor Burma remontera la filière d'un crime non résolu qui le replongera dans son passé anarchiste au coeur du XIIIe arrondissement. Il sera aidé dans ses recherches par une jeune gitane Bélita Moralès, amie de son camarade défunt.

"C'est un sale quartier, un foutu coin,(...) c'est son climat. Pas partout, mais dans certaines rues, certains endroits on y respire un sale air. Fous en le camp Bélita.(...) Ca pue trop la misère, la merde, le malheur !"
Cette phrase sans appel de Burma à la gitane résume bien ce que Malet pensait du XIIIe arrondissement avec lequel, il prétendait avoir un vieux compte à régler. En 1926, âgé de 17 ans, l'auteur avait séjourné au foyer Végétalien, 182 rue de Tolbiac, en compagnie de camarades anarchistes. Cette courte expérience qui lui avait laissé un souvenir amer.

De la série "Les nouveaux mystères de Paris", "Brouillard au Pont de Tolbiac" a toujours été considéré comme un roman à part. Par son auteur d'abord, puis par son public qui découvrait sur les traces de Nestor Burma le souvenir d'un XIIIe disparu.
Le plus souvent Malet travaillait sans plan préalable, ce qui l'amenait à effectuer un certain nombre de corrections au rythme de l'avancée de l'intrigue. La conception de cette histoire était un peu différente. Malet, pressé par les délais, devait envoyer les épreuves de son manuscrit à l'éditeur à mesure de sa rédaction. Impossible donc de revenir en arrière.
Léo Malet n'était pas amateur de bande dessinée. C'est en passant par hasard devant la librairie Casterman qu'il tomba en arrêt devant la couverture du "Démon de la Tour Eiffel", une aventure d'Adèle Blanc Sec illustrée par Tardi. Après s'être procuré l'ouvrage, il fut convaincu que le style inimitable du dessinateur conviendrait parfaitement à l'adaptation de Nestor Burma. Lui seul pourrait saisir l'atmosphère du Paris des années 50 duquel il saurait retranscrire le "cafard latent".

L'album paraîtra chez Casterman en 1982. Si les décors et l'ambiance sont exceptionnels, le dessin de Burma n'a pas encore trouvé la forme définitive qu'il adoptera à l'occasion de "120 rue de la Gare" en 1988. Aucune documentation n'existant à propos du "Foyer Végétalien" disparu depuis des lustres, Tardi le dessina sur la base des souvenirs de l'auteur. Le passage des "Hautes Formes" entre les rues Nationale et Baudrincourt retrouva son aspect originel le temps de quelques cases, au même titre que les arches du viaduc du Pont et bien d'autres détails encore.

Le roman fut redécouvert des années après sa rédaction, lorsque les bulldozers commencèrent leur travail de sape. Malet qui pensait avoir écrit un roman "contre" le XIIIe souriait quand on le considérait comme le spécialiste d'un quartier qu'il n'avait fréquenté que trois mois... Sans faire l'apologie de la saleté, il déplorait que cette nécessaire rénovation des lieux n'ait pas été réalisée "à échelle humaine". Il fustigeait ces tours impersonnelles pensées par des architectes modernes qui habitaient eux, des hôtels particuliers à Passy. Dans un papier écrit en Novembre 1978 Malet écrivait qu'il ne retournerait pas dans le XIIIe, car, il prétendait s'y sentir encore plus malheureux que lorsqu'il y trainait la savate.



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vendredi 13 janvier 2012

2009 - Les Tuniques Bleues - Sang Bleu chez les Bleus


Ce cinquante troisième album des Tuniques Bleues relate un fait moins connu de l'Histoire de France et d'Amérique. Durant la guerre de sécession, Francois d'Orléans (1818 - 1900), Prince de Joinville et fils de Louis Philippe 1er, dernier Roi des Français condamné à l'exil, partit combattre les confédérés au côté des Nordistes. Il embarqua deux de ses neveux avec lui. Il fut élevé au grade de Capitaine et nommé aide de camp du Général Mac Lellan. Aussi surprenant que cela puisse paraître, Francois d'Orléans prenait position contre l'esclavage sous d'uniques arguments économiques. Il affirmait que cette méthode onéreuse ramenée à ses faibles rendements ne justifiait pas son coût. Pire encore, en déshonorant le travail libre, elle brisait l'esprit d'entreprise indispensable au développement des régions.

L'album dépeint un homme sympathique et courageux, victime, au même titre que son régiment d'une inactivité propre à cette période de la guerre. Afin de pallier aux conséquences désastreuses sur le moral des troupes, ce dernier proposera aux hommes de se mettre à la peinture sous l'argument "C'est facile vous verrez..."
Blutch se prêtera à l'exercice avec plaisir, non sans quelques aléas. Cette nouvelle passion gagnera progressivement l'ensemble du camp, jusqu'au Général lui même.
L'album est construit en deux parties. Si la seconde reste assez classique, je considère la première comme un petit chef d'oeuvre de dynamisme et d'efficacité comique. L'affrontement entre Blutch et Chesterfield atteint ici son paroxysme.
Le ton est donné dès la première case. Le Sergent ramène son camarade après une énième tentative de désertion. Déguisé et maquillé en esclave noire, Blutch n'en restera pas là ! Sa riposte, à noter dans les annales de la série, est aussi cruelle qu'inédite. Le duel prend une tournure vacharde digne de Tom et Jerry. Les deux hisseront le drapeau blanc quand ordre leur sera donné d'espionner les rangs Sudistes, mission au cours de laquelle ils seront découverts. 
Certains pourront être surpris par une telle scission narrative dans l'album. On regrettera l'absence, dans la seconde partie, de Francois d'Orléans autour duquel l'album est construit. Ce dernier ne réapparaîtra qu'à la fin de façon quasi anecdotique.
Quoiqu'il en soit, au delà de sa valeur pédagogique,  "Sang Bleu chez les Bleus" reste un excellent divertissement et un album très amusant.

Sang Bleu chez les Bleus - Lambil/Cauvin - Editions Dupuis 2009

mardi 10 janvier 2012

1994 - Seth - La Vie est belle malgré tout


L'autobiographie en bande dessinée est un exercice vu et revu... Maintes fois ressassé, l'exercice pourrait agacer. En racontant l'histoire d'un auteur angoissé, phobique d'une modernité qu'il s'évertue à fuir, Seth pourrait plonger son lecteur la tête la première dans une mer de clichés.

Il n'en sera rien. La fuite du personnage trouve son catalyseur. L'oeuvre créée ainsi sa différence à grands coups de sensibilité et de talent véritable. 
En parcourant de vieux numéros du New Yorker, Seth tombe par hasard en arrêt devant le dessin de Kalo, un artiste obscur dont la trace semble perdue depuis des lustres. Il se mettra alors en tête de remonter la piste de cet auteur tombé dans l'oubli. Au fil de ses maigres découvertes, on comprendra que c'est après lui même que court l'auteur. La reconstitution illusoire du passé de cet homme permet à Seth d'illustrer un avenir pétri de doutes. Très vite la quête de l'explication de la disparition professionnelle de Kalo résonne comme un transfert de ses propres angoisses: La peur de perdre ses acquis et la chute après la gloire.
L'exercice périlleux, nourri par cette quête obsédante et irrationnelle trouve ici une délicatesse et un équilibre tel, que le livre est considéré comme l'une des 100 meilleures BD de tous les temps. L'auteur évite l'écueil classique d'une autocritique hypocrite, et reste toujours cohérent dans sa démarche consistant trouver un sens à nos micros existence à l'échelle du temps. 
Une rééddition flatteuse chez Delcourt en 2009 rend à cet ouvrage toute la considération qu'il méritait.

La vie est belle malgré tout - Seth - Editions Delcourt 2009

dimanche 8 janvier 2012

1994 - Trondheim - Mildiou

Au moyen âge, le chef d'une révolte villageoise se fait tuer sous les yeux de son peuple par Mildiou, le dictateur local. Suite à un quiproquo la foule designera un lapin comme nouveau leader. Celui ci n'avait rien demandé mais trop tard... Face à ce nouvel affront Mildiou n'aura de cesse d'essayer de tuer le lapin, symbole involontaire d'une résistance à son autorité. Tandis que ce dernier ne pense qu'à raisonner son adversaire, une course poursuite absurde s'engage, sans qu'aucun des deux protagonistes ne parvienne à ses fins.

Si le dessin n'est, de son propre aveu, pas le fort du Trondheim de cette période, son style si particulier offre aux décors moyenageux une dimension féérique toute particulière. L'architecture du château évoquerait à l'extrême celle du célèbre palais du film "Le Roi et l'Oiseau" avec ses enfilades de pièces à n'en plus finir et ses escaliers vertigineux.
Derrière ses airs de plaisanterie improvisée se cache un plaidoyer contre la bêtise et la violence. On y trouvera aussi une description peu flatteuse des mouvements de foules aussi pleutres que forts en gueule, qui, tels les personnages des villes de Lucky Luke sont présentés comme s'il ne s'agissait que d'une seule et même personne.
Certains ont pu voir dans "Mildiou" la critique d'une certaine bd franco belge hyper stéréotypée, au coeur de laquelle gentils et méchants manichéens s'affrontent sans relâche pour le plaisir d'un scénariste paresseux. 
Sans rentrer dans des analyses un peu vaines, je pense que "Mildiou" reste avant tout une histoire fort amusante qui comporte plusieurs degrés de lecture. Les joutes verbales réjouissante entre Mildiou et le le Lapin nous ramènent aux meilleurs pastiches du genre "cape et d'épée". L'excellence de la mise en scène donnent une vraie fluidité aux 150 pages que dure la poursuite infernale. Le récit s'adapte parfaitement au format de publication A5.
Le côté ubuesque de cette histoire évoque un cauchemar enfiévré dans lequel l'on s'enfonce à mesure que l'on cherche à y échapper. Outre son adversaire brutal et acharné, le Lapin croise au fil des pages, une galerie de personnages étranges qui apportent leur propre folie à une situation qui n'en a nul besoin. 
La chute, aussi soudaine qu'inattendue, répond avec brio au simple malentendu par lequel tout à commencé.

2004 - Trondheim - Désoeuvré


A l'occasion d'une pause de 80 jours dans son travail de dessinateur, Lewis Trondheim nous livre une chronique savoureuse basée sur les interrogations existentielles d'un auteur en pleine maturité.

Conçu sans plan préalable l'ouvrage défile au gré de son inspiration sans autre ambition que d'apporter ce que l'on voudra bien y trouver. Les premières pages s'articulent autour des notions de création, de plaisir et de liberté. Descartes disait : "Etre libre n'est rien. Le devenir est tout". Toute la question consiste à savoir si la liberté totale dont jouis un auteur à succès ne devient pas sa pire ennemie au bout d'un certain stade.
A grands renforts d'exemples pris dans la génération supérieure de dessinateurs franco belges, Trondheim finit par nous convaincre que la bande dessinée conserve mal ceux qui la pratiquent. Après une apogée professionnelle autour de la cinquantaine de nombreux auteurs subissent un déclin de leur fertilité artistique. Beaucoup seront même frappés par de sévères dépressions, dont certains ne se remettront pas. Il est de notoriété publique que de nombreux auteurs tels Franquin ou Gotlib vécurent de profonds malaises. D'autres tels Noël Bissot ou Charles Degotte mirent fin à leurs jours. Pour l'anecdote, la rumeur prétendait que les auteurs de Dupuis finissaient dépressifs et alcooliques tandis que Le Lombard rendait dragueur et obsédé. 
Trondheim mène l'enquête avec une rigueur toute scientifique. Il ira même jusqu'à interroger Yvan Delporte, mémoire à l'époque vivante du monde de la BD. Ce dernier prêtera son concours à l'exercice et partagera ses analyses par mail. Sa longue expérience lui fournit une expertise qui confirme très largement celle de Trondheim sans toutefois parvenir à comprendre totalement les sources de cet étrange phénomène, qui semble frapper en particulier les auteurs qui assument à la fois dessin et scénario.

A mesure que le récit avance, la théorie de Trondheim prend corps. Isolement et répétition des tâches, propres à un certain type de bande dessinée feraient, selon lui, mauvais ménage.
A travers l'analyse du destin de ses prédécesseurs, l'auteur, au fait de sa gloire, tente d'exorciser ses propres démons. Les générations ont changées mais les questions restent les mêmes. 
On notera tout de même que Trondheim sera le premier à pointer du doigt le fait que ses préoccupations restent celles d'un artiste privilégié. Au delà de sa passionnante valeur pédagogique, cette remarque apporte à l'ouvrage une sincérité supplémentaire qui ne fait qu'accentuer la sympathie que pourra inspirer l'ensemble.

Désoeuvré - Lewis Trondheim - L'association 2004